Nissim Gérondi et les derniers feux de l’école talmudique catalane

Abstract

Au lendemain de la peste noire, les représentants des communautés juives de Catalogne, Valence, Majorque et Aragon se réunissent en 1354 pour tenter de créer un organe central destiné à coordonner la gestion fiscale et politique commune. Le projet, appuyé par la monarchie, se heurte à des résistances internes et ne sera, semble-t-il, mis en oeuvre que partiellement. Dans ce contexte, Nissim ben Reuven de Gérone (dit « le Ran »), jeune érudit catalan, joue un rôle fondamental dans la rédaction du protocole de l’assemblée et devient, de facto, une autorité rabbinique majeure. Son oeuvre halakhique, notamment ses responsa et ses commentaires sur le Rif, témoigne d’une influence intellectuelle profonde, bien au-delà de la Catalogne. Saisi par de nombreuses communautés pour trancher des litiges ou clarifier des décisions judiciaires, il acquiert une fonction de juge suprême officieux, parfois reconnue par les  autorités royales. Cette configuration préfigure  l’émergence d’une autorité rabbinique institutionnalisée dans la Couronne catalane. Après sa mort (1375), Hasdaï Cresques à Saragosse semble reprendre ce rôle de référent judiciaire, reconnu à la fois par les communautés et par le pouvoir royal. La persécution de 1391 marque cependant la fin de cette tradition talmudique catalane, dont les derniers représentants, de ses disciples, ce texte retrace  l’articulation entre autorité rabbinique, justice  communautaire et pouvoir chrétien au XIV^e siècle.